l'Empereur Napoléon Ier
De l’épopée à l’exil, de l’art de vivre sous l’Empire aux personnages qui ont marqué cette époque, imprégnez-vous du règne du plus célèbre empereur.
Pourquoi Napoléon portait-il sa main dans son veston ? Une légende tenace affirme qu’il soulageait ainsi son estomac douloureux. Or si cela avait été le cas, ils étaient étonnement nombreux au XVIIIe et XIXe siècle à souffrir de dérangement stomacal sans jamais remettre en question leur régime alimentaire !
Ouvrez l’œil : les galeries de portraits du XVIIIe et XIXe siècle regorgent de portraits d’élégants, d’intellectuels et de politiques qui portaient leur main dans leur gilet sans pourtant notoirement souffrir de la dégustation d’un corbeau grillé (une recette qui ne connut pas la même postérité que la légende dont nous parlons). Il ne s’agit donc pas de l’estomac de Napoléon mais plutôt de sa bonne éducation. Le jeune Bonaparte est envoyé très jeune à l’école de Brienne et sans aucun doute, les religieux à la tête de cette institution lui recommandèrent, à lui comme à ses camarades, la lecture de l’ouvrage du père Saint Jean-Baptiste de la Salle (1651 – 1719) Les règles de la bienséance et de la civilité chrétienne. L’ouvrage affinait depuis déjà un siècle l’éducation des jeunes personnes de qualité et faisait, de fait, référence. Or qu’en est-il des recommandations de cet auteur qui, on s’en doute, était aussi civilement chrétien qu’il ne l’était plus souvent religieusement ?
L’homme nous enseigne :
[qu’]il est assez ordinaire de poser le bras droit sur la poitrine ou sur l’estomac en mettant la main dans l’ouverture de la veste, à cet endroit, et de laisser tomber le gauche en pliant le coude, pour faciliter la position de la main, sous la basque de la veste.
Il ne s’agit pas ici de l’estomac d'un Napoléon souffreteux mais plutôt de la bonne éducation d'un homme de son époque.
Et de la Salle de conclure :
En général, il faut tenir les bras dans une situation qui soit honnête et décente.
Cette brillante leçon de maintien du père de la Salle met ainsi terme à l’une des plus célèbres spéculations autour de Napoléon Ier. Une spéculation gauche et tordue que notre religieux aurait eu tôt fait de rendre « civilement chrétienne » s’il en avait eu vent !
Napoléon II, surnommé « l’Aiglon », naquit en 1811 alors que son père était encore Empereur. Les évènements historiques bouleverseront l’enfance de ce fils tant attendu qui ne vit pas son père plus d’un an et demi en tout et pour tout.
La campagne de Russie en 1812 marqua le début de la chute de Napoléon qui vit son fils pour la dernière fois en 1814, peu de temps avant la campagne de France. Ce père hors du commun ne se plia jamais aux convenances de l’époque. Loin de la retenue alors préconisée, il aimait à porter son fils sur ses genoux, à le câliner et à jouer avec lui. À Sainte-Hélène, il conserva précieusement des portraits de ce fils qu’il ne revit jamais.
“Quel résultat de la science ! Quelle consultation ! Laver les reins avec de l’eau de Cologne ? Bon ! quant au reste, je n’en veux pas.” Napoléon Bonaparte à Sainte-Hélène
Le 5 mai 1821 Napoléon Bonaparte s’éteignit dans sa maison de Longwood à Sainte-Hélène. Tour à tour discipliné puis désobéissant à ses médecins, Napoléon ne cachait pas son mépris de leurs diagnostics incertains. Les recommandations médicales lui inspiraient souvent des commentaires grinçants. Ayant toute sa vie accordé à la Cologne les plus grandes vertus, Napoléon semble finalement ne faire confiance qu’à ses propres remèdes… Les derniers jours il refusa tout breuvage ou potion, ne buvant que de l’eau sucré avec de la fleur d’orange, la seule boisson qui lui fut agréable. L’annonce écrite de la mort de l’Empereur de France partit pour Londres le 7 mai et parvint enfin à Louis XVIII le 5 juillet, soit précisément deux mois après le décès de Bonaparte. Paris appris la nouvelle le 6 puis il fallut encore trois semaines pour qu’elle se diffuse dans tout le pays.
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Le 13 octobre 1809, Napoléon échappa de peu à la lame de l’étudiant Friedrich Staps (1791?-1809 ; parfois orthographié Stabs) déterminé à tuer l’Empereur. Staps qui avait seul médité son acte fut intercepté par le Général Rapp (1771 - 1821) qui conserva l’arme.
Après une discussion mémorable entre l’étudiant et Napoléon Ier, ce dernier surpris par l’obstination du jeune homme, le questionna : «Mais, enfin, si je vous fais grâce, m’en saurez-vous gré ?» La réponse fut nette : «Je ne vous en tuerai pas moins.» Staps fut fusillé le 17 octobre et devint immédiatement un personnage emblématique de l’opposition à Napoléon et à l’unification de l’Allemagne. Bonaparte quant à lui fut profondément marqué par cet évènement qui accentuait sa vulnérabilité d’Empereur sans héritier. Comme le nota adroitement Jean Tulard «le poignard de Staps avait manqué Napoléon. Il tuait Joséphine». Notons qu’il existe trois autres couteaux dits « de Staps ». Cependant, celui mis en vente par la maison Osenat en 2016 est le seul à présenter une provenance historique référencée ainsi qu’une nature conforme au XIXe siècle viennois.
« Napoléon ne supportait rien autour de lui et Chateaubriand non plus » (Alexandre Duval-Stalla). Napoléon aspira longtemps au talent littéraire de l'écrivain tandis que Chateaubriand jalousait le statut d’homme politique de l'Empereur.
Chateaubriand (1768 – 1848) et Bonaparte (1769 – 1821) ne se rencontrèrent qu’une seule fois, le 22 avril 1802 dans les salons de l’hôtel de Brienne. Seul le Premier Consul s’exprima, évoquant à la fois ses expéditions en Afrique du nord et le christianisme. L’écrivain n’eut pas la parole – ce qui du le surprendre – et fut d’autant plus étonné que Napoléon ait apprécié leur entrevue. Ce dernier préférait-il que l’écrivain se taise ou était-il simplement satisfait de lui avoir parlé ? Chateaubriand avait opportunément attendu la promulgation du Concordat le 8 avril 1802 pour faire publier son Génie du Christianisme qui parut quelques jours plus tard. Cet éloge de la religion fut apprécié de Bonaparte et l’ambitieux écrivain s’adonna donc à ce que la révolution n’avait pas aboli : la flatterie. Et de dédier la deuxième édition de son ouvrage au Premier Consul, avec l’ambition d’obtenir l’ambassade de France à Rome. Bonaparte ignora la courbette courtisane et lui offrit un poste de secrétaire de légation auprès du cardinal Fresch. L’écrivain s’estima méprisé, Napoléon s’agaça de cet orgueil froissé. Chacun ambitionnait pourtant depuis toujours ce grâce à quoi l’autre s’était élevé. Napoléon à Sainte-Hélène reconnaîtra que « Chateaubriand [avait] reçu de la nature le feu sacré : ses ouvrages l’attestent. Son style [n’était] pas celui de Racine, [c’était] celui du prophète. »
À partir de la Restauration, partisans et anciens soldats de l’Empire se firent une spécialité de la production d'objets commémorant le souvenir napoléonien.
Du plus populaire au plus luxueux, ces objets clamaient haut et fort des opinions politiques qu’on se gardait bien de montrer hors du cercle amical et familial. Parmi cette production, les moules à gaufre furent légion. Ils promettaient au cuisinier bonapartiste une douceur partisane car ornée de l’effigie de son héros. Sans compter que Napoléon ne résista jamais aux gaufres roulées et fourrées à la crème, préférence notable lorsqu’on sait son indifférence face à la gastronomie !
« Napoléon fut en France le premier à se préoccuper de la condition des enfants et fit adopter le 3 janvier 1813 un décret interdisant le travail des enfants de moins de 10 ans. »
Outre-Manche, la même interdiction était en application depuis 1801 et concernait les enfants de moins de 8 ans. Ce fut une avancée majeure en particulier pour les jeunes mineurs obligés de travailler dans les exploitations de charbon ; beaucoup d’entre eux mouraient de cet épouvantable labeur. Malheureusement, des patrons peu scrupuleux profitèrent de la chute de l’Empire deux ans plus tard pour envoyer ce décret aux oubliettes.
« Napoléon Bonaparte attachait une attention toute particulière à son hygiène. »
En plus de l’eau de Cologne dont il fit toute sa vie un usage dispendieux, il portait une grande attention à ses dents qu’il avait, dit-on, très belles et très blanches. Son premier valet de chambre Louis Constant (1778 – 1845) témoigne dans ses Mémoires qu’ « il se servait, pour ses dents, de cure-dents de buis et d’une brosse trempée dans de l’opiat ». Les brosses à dents de l’Empereur furent des créations de l’orfèvre Martin-Guillaume Biennais (1764 – 1843). À leur manche d’or ou de vermeil était fixée une tablette de bois garnie de poils de sanglier.
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« La première rencontre entre Napoléon et Joséphine a lieu un 15 octobre 1795 à l’occasion d’un dîner donné à l’hôtel particulier de Paul de Barras (1755 - 1829). »
Barras, alors amant lassé de Joséphine de Beauharnais (1763 – 1814) qui pour se « débarrasser » d’elle lui présente le jeune Bonaparte. L’officier tombe fou amoureux d’elle, des propres dires de Joséphine « mon mari ne m’aime pas, il m’adore, je crois qu’il deviendra fou. »
« Les plus grands n’échappent pas à l’adolescence et Napoléon n’y fit pas exception. »
Officier à 16 ans, le voilà qui fait ses premiers pas dans la bonne société de Valence où il révèle une brillante ignorance des manières et apparaît aussi gauche et mal dégrossi qu’il se révèlera fin stratège. Il fait heureusement la rencontre de la spirituelle et distinguée Madame du Colombier dont la principale qualité se résume à sa fille Charlotte dite Caroline. Napoléon qui compte huit années de moins que la jeune fille s’abstint judicieusement de relever cette différence d’âge et connu sa première idylle. À Sainte-Hélène il se souviendra de ce matin d’été où « tout [leur] bonheur se réduisit à manger des cerises ensemble ». Durant son règne et en souvenir de cette innocente amourette, l’Empereur offrit à Caroline cette bague en or contenant sous verre une ciselure d’ivoire figurant deux personnages mangeant des cerises.
« Contrairement aux idées reçues, Napoléon Bonaparte n’était pas petit ! »
D’après son médecin François Antommarchi et son compagnon d’exil Louis-Joseph Marchand, l’Empereur mesurait près d’1,69 mètre alors que la taille moyenne des Français au XIXe siècle était d’1,65 mètre. Il était donc plus grand que la moyenne.
« Longwood House est dès l’arrivée de Napoléon une méchante maison mal bâtie où l’eau s’infiltre partout. »
Parti en juillet 1815 de Plymouth au sud de l’Angleterre, Napoléon arrive le 16 octobre de la même année à Sainte-Hélène et débarque finalement sur l’île le 17. Le domaine de Longwood n’étant pas encore prêt il emménagera dans la propriété de William Balcombe (1777 – 1829), agent de la Compagnie des Indes avec qui il se liera rapidement d’amitié.
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L’exil exigé par les puissances européennes.
Napoléon embarque à bord du Northumberland le 7 août 1815 à destination de Sainte-Hélène.
« Entre le 26 et le 29 novembre 1812, la retraite de la Grande Armée fait face à la rivière Bérézina qui, malgré des températures glaciales, n’a pas gelé. »
Impossible d’échapper à l’armée russe sans la franchir. En quelques heures, les 400 pontonniers du général d’Elbé construisent deux ponts et afin de permettre aux milliers de soldats de passer, une bataille de diversion est menée contre les Russes par les maréchaux Oudinot et Ney. Le 29 au matin, Napoléon ordonne l’incendie des ponts pour protéger la retraite. Malgré ce succès français, la Grande Armée est dans un état critique, seulement quelques milliers de soldats peuvent encore combattre. Fin 2017, une équipe d’archéologues a plongé sur ces lieux historiques et la Bérézina a livré de nombreux souvenirs : fragments d’uniformes, ceintures, baïonnettes, sabres et autres objets ayant appartenus aux retardataires épuisés qui tentèrent de traverser les eaux glacées par leurs propres moyens.
« Joachim Murat (1767 – 1815) surtout connu pour son acte de trahison fut pourtant longtemps un fidèle de l’Empereur. »
Reconnaissons que Bonaparte ne fut jamais tendre avec Murat qui débuta comme aide de camp et dont la bravoure lui permit de gravir les échelons militaires. Napoléon accepta, à contre cœur, que sa sœur Caroline épouse ce « coq vaniteux » de Joachim qui devint ainsi Roi de Naples. Néanmoins, l’Empereur ne cessa de le rabrouer alors que le désormais roi et maréchal se donnait toutes les peines pour lui plaire. Ces relations glaciales émoussèrent peu à peu l’attachement de Murat envers Napoléon ; il finit par signer le 11 janvier 1814 un traité avec l’Autriche séparant Naples de l’Empire.
Aux premiers frimas, l’Empereur enfilait sa célèbre redingote grise.
Il ne s’en défit jamais. Cette capote en drap de Louviers était doublée jusqu’à la ceinture. Les devants et les manches se fermaient par des boutons de bois recouverts soie. Bonaparte affectionnait particulièrement ce vêtement qu’il portait sans aucun grade lorsqu’il était auprès de ses soldats, revendiquant ainsi son statut premier de militaire. Cette redingote conservée au Musée de l’Armée à Paris accompagna probablement l’Empereur à Waterloo et le suivit à Sainte-Hélène. Elle fût maintes fois raccommodée par volonté d’un Napoléon économe et nostalgique.
« Du 15 au 17 novembre 1796, le jeune Napoléon Bonaparte âgé de 27 ans mène la célèbre bataille d’Arcole, à une vingtaine de kilomètres de Vérone en Italie. »
La manœuvre vise à empêcher la réunion des troupes autrichiennes du général Alvinzi (1735 – 1810) et de celles du lieutenant Davidovitch. La postérité retient le célèbre tableau de Gros (1771 – 1835) peignant un général fougueux menant ses soldats à l’assaut de ce pont étroit chevauchant l’Alpone. Pourtant, le général Pierre Augereau (1757 – 1816) avança avant Bonaparte sur le pont mais dû rebrousser chemin sous le feu ennemi. Par deux fois Napoléon tenta de passer, frôlant la mort mais sauvé par Muiron son aide de camp qui se sacrifia pour le protéger. Notre héros tomba même à l’eau ! Les troupes françaises ne passèrent le pont qu’après une habile diversion des tambours sur les arrières des Autrichiens. Ces derniers déduisant avec sagacité que le son des tambours n’augurent rien de moins que des renforts français près de les prendre en tenaille, sont destabilisés. Masséna en profita alors pour mener l’assaut et s’empara du pont.
Loin de son île natale, Napoléon affirmait qu’« au parfum de son maquis, de loin, les yeux fermés [il] reconnaitrai[t] la Corse »
Son frère Joseph Bonaparte témoigne lui aussi de ce « pays embaumé par les exhalaisons des myrtes et des orangers ». Le goût immodéré de Napoléon pour l’eau de Cologne lui vint-il du sentiment nostalgique attaché à la Corse ? Dans les flacons de Cologne de l’Empereur, à la terre du maquis chauffée par le soleil se substitue l’alcool qui réchauffe et déploie les notes d’huiles essentielles évoquant la bruyère, le thym et l’immortelle, les notes hespéridés du cédrat, de la bergamote et de l’oranger. Puisque Napoléon devait s’éloigner de la Corse alors il fit stratégiquement venir la Corse à lui, de la France à Sainte-Hélène, en passant par la Russie.
La Révolution ayant le coutelas lest « trancha » dans toutes sortes de domaines et, par principe égalitaire, fit tomber toutes les décorations distribuées sous l’Ancien Régime.
S’appuyant sur l’histoire des républiques, Napoléon Bonaparte restaura ces distinctions qui ne furent plus seulement réservées aux seuls officiers, mais à tous les citoyens ayant rendu des « services éminents » à la Nation. En mai 1802 naquit la Légion d’Honneur (d’or et d’argent) puis le 30 janvier 1805, un décret institua la « grande décoration », la plus haute distinction de la Légion d’Honneur. D’abord nommées « grand cordon » puis « grand aigle », ces décorations devinrent « grand croix », ce qu’elles sont encore aujourd’hui. Rares témoins de la première cérémonie de remise de ces « grands aigles » le 10 février 1805, ces deux décorations furent décernées au Maréchal Lannes (1769- 1809) dit « l’Ajax français » et à Jean-Etienne-Marie Portalis (1746-1807), un des pères du Code Civil.
Coup d'État du 18 Brumaire
Il y a plus de 200 ans, le 18 brumaire 1799 (9 novembre), Bonaparte s’emparait du pouvoir mettant fin à la Révolution française et au Directoire. Napoléon devient alors 1erConsul dans une France qui ne semble pas hostile à ce nouvel homme fort.
Remarquez-vous les différents visages de Napoléon dans ses portraits ?
Dès la campagne d’Italie, l’Empereur s’entoure de peintres pressentant que son portrait assurera sa popularité grâce aux moyens de reproductions de l’époque. Ne posant pas, les artistes devaient rapidement se saisir de son image et respecter l’idéalisation voulue par la propagande. Les traits glorifiés traduisent des sentiments héroïques chez Jacques-Louis DAVID (1748 – 1825) et Antoine-Jean GROS (1771 – 1835) tandis que Jean-Auguste-Dominique INGRES (1780 – 1867) en fait une figure divinisée tel un empereur romain ou une figure christique. Mais aucun des portraits ne présentent le même visage ! C’est sans doute celui peint par le plus ancien compagnon de Napoléon, le général Bacler d’Albe (1761 – 1824), qui est le plus ressemblant. Car sans doute les deux jeunes généraux se connaissent parfaitement.
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