Des couvents italiens aux mondaines boutiques parisiennes, l’Eau de Cologne connut une fortune européenne : audace de son créateur et vicissitudes des guerres royales dessinèrent la conquête de cette fragrance dans toutes les cours d’Europe. À l’image de son plus fervent adepte, l’Empereur Napoléon Ier.
De la Toscane à l’Europe septentrionale.
Bien naïf celui qui porterait sur l’eau de Cologne un regard complaisant ; comme souvent l’histoire est bien plus riche qu’il n’y paraît. Elle débute à Florence, dans le prospère XVIe siècle toscan où règne la maison Médicis. À deux pas de la basilique Santa Maria Novella, un couvent de Dominicains dispose d’un jardin de plantes médicinales à partir duquel les frères excellent dans l’élaboration d’essences, de potions, de pommades et de baumes.
C’est à l’occasion du départ pour la cour de France de la très raffinée Catherine de Médicis (1519 – 1589) que les moines dominicains élaborent spécialement pour elle un parfum grâce à une innovation qui initiera à la naissance de l’eau de Cologne. « L’eau de la Reine » aux effluves de bergamote n’est pas, comme c’était alors l’usage, fabriquée à partir de vinaigre mais à partir d’alcool. L’intuition des saints hommes sera payante…mais pas pour eux ! C’est Giovanni Paolo Feminis (1660 – 1736) qui saura en tirer profit. Né près de Milan il invente, à partir de l’Eau de la Reine, un mélange hespéridé dont il pressent le succès. L’Italien part s’installer à Cologne pour commercialiser cette Eau qu’il baptise « Acqua Mirabilis » et qui concentre tous les parfums mythiques d’une Italie idéalisée : bergamote, citron, lavande et romarin éveillent les sens par leur fraîcheur et évoquent poétiquement le soleil toscan. Le succès est rapide et sa fortune est faite. Riche mais pas éternel, Giovanni Paolo Féminis lègue le secret de sa recette à un membre de sa famille afin que son entreprise demeure.
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L’Eau de Cologne conquiert la France impériale.
Attendons désormais la guerre de Sept Ans (1756 – 1763) qui amena les soldats français à Cologne. Aussi militaire soit-il, un Français en terre étrangère demeurera à jamais un touriste. Ainsi les soldats rapportèrent ils dans leur paquetage des flacons de l’Acqua Mirabilis. L’eau séduit Paris et c’est toute la France (aisée) qui s’empresse de s’en procurer. Jean-Marie Farina (1685 – 1766), neveu de Féminis, renomme l’Acqua Mirabilis en « Eau Admirable » et s’enorgueillit rapidement de compter Bonaparte parmi ses plus fidèles clients. Un nombre incalculable d’eaux de Cologne inondent alors le marché et l’âpre concurrence déclenche au début du XXe siècle un procès à Cologne visant à déterminer la paternité de l’Eau de Cologne. La Cour Suprême de l’Empire tranchera, après de fastidieuses recherches, en faveur de Giovanni Paolo Feminis.
Il est finalement peu surprenant que Napoléon ait trouvé en cette eau un parfum tout désigné à sa personne. Des senteurs de sa Corse natale à celles de la toute proche Toscane, il y a moins de distance qu’entre Ajaccio et Paris. Il aura tout de même fallu une expatriation volontaire et une guerre pour que la rencontre entre la fragrance et l’Empereur pu avoir lieu. Une preuve s’il en est que l’essentiel revient toujours à notre proche portée.
Marielle Brie de Lagerac
Marielle Brie est historienne de l’art pour le marché de l’art et de l’antiquité et auteur du blog « Objets d’Art & d'Histoire ».