Le siècle précédent ne fut pas tendre avec l’eau de Cologne. Raillée par une parfumerie qui ne jurait que par des jus tapageurs, entêtants et sans relief, la discrète eau de Cologne fit preuve de patience jusqu’à retrouver ses lettres de noblesse aujourd’hui. Fragrance d’esthète, elle préfère accompagner la toilette plutôt que s’opposer au parfum.
Une eau moderne
La modernité de l’eau de Cologne réside paradoxalement dans son ancienneté. Depuis près de deux siècles, les salles de bains les plus chics lui attribuèrent une place de choix. La grande distribution, sans parvenir à s’en emparer, abîma aux yeux du grand public l’image élégante de cette eau fraîche. Conçue à partir d’ingrédients naturels, l’eau de Cologne rejoint nos souhaits modernes de revenir à plus de simplicité. Sus aux formules dont les « principes actifs » sont plus incompréhensibles qu’une équation de physique quantique ! Quelques agrumes, des plantes, un soupçon d’épices font la recette simple et pourtant raffinée d’une eau destinée bien plus au bien-être qu’à l’apparence. L’eau de Cologne se revendique d’un plaisir égoïste : elle accompagne la toilette, ce moment qui nous prépare à sortir de notre intimité, à s’aventurer au grand air. Sa fraîcheur solaire éveille les sens et le contact avec l’eau que l’on verse généreusement sur la peau n’est pas loin d’évoquer les jeux régressifs des batailles d’eau.
Alors que la parfumerie aime à différencier la femme de l’homme, l’eau de Cologne se moque bien des genres. Établissant la parité avant l’heure, elle nous séduit par ce flegme qui préfère la détente et l’hédonisme à la séduction genrée et calculatrice. Elle plait par sa simplicité qui ne manque pas de caractère, par sa pudeur pourtant espiègle. C’est d’ailleurs cette ingénuité qui permet d’offrir un bouquet de senteurs plein de relief. L’industrie du luxe ne s’y est pas trompée.
Vous aimez cet article ?
Tout comme Bonaparte, vous ne voulez pas être dérangé sans raison. Notre newsletter saura se faire discrète et vous permettra néanmoins de découvrir de nouvelles histoires et anecdotes, parfois peu connues du grand public.
Félicitations !
Vous êtes désormais inscrit à notre newsletter.
Une eau raffinée
Il n’est plus une maison qui puisse faire l’impasse sur la création de sa propre eau de Cologne. Comme un curieux devient esthète au fur et à mesure qu’il découvre les subtilités d’un art, beaucoup découvrent l’élégance de la Cologne après s’être confrontés à l’impasse existant entre un parfum qui, d’un côté, nécessite d’être apprêté pour être porté et, de l’autre, l’odeur molle et sans charme du savon. N’est pas Marilyn Monroe qui veut et le seul Chanel n°5 ne convient pas à toutes les occasions. En revanche, c’est bien là la première qualité de l’eau de Cologne : sa légèreté et sa simplicité en font la fragrance idéale dans un quotidien où le parfum serait trop prétentieux. Lors de moments de détente, au sortir d’une activité sportive ou simplement par plaisir du contact avec elle, cette eau laisse sur la peau une odeur de propre qui résonne avec légèreté.
Les notes les plus fraîches exhalent lorsque l’on s’en asperge et sa pudeur laisse ce sillage en retrait une fois la toilette terminée. La Cologne n’entend pas parfumer, elle rayonne un instant avec élégance mais connaît la valeur de la discrétion. Napoléon qui s’en aspergeait copieusement ne lui reniait pas cette qualité, lui qui avait en horreur les parfums capiteux. L’eau de Cologne l’éveillait sans le distraire d’effluves entêtants. Fraîche sans être banale, la Cologne incarne un idéal de modernité où la sophistication ne le dispute pas à l’ingénuité.
Marielle Brie de Lagerac
Marielle Brie est historienne de l’art pour le marché de l’art et de l’antiquité et auteur du blog « Objets d’Art & d'Histoire ».