Personnage clef de l’histoire de Napoléon à Sainte-Hélène, c’est à lui que l’on doit la création de l’Eau de Cologne de l’Empereur exilé. Fidèle serviteur, homme à tout faire discret et apôtre de la légende napoléonienne, le Mamelouk Ali n’a d’oriental que le titre : de son vrai nom Louis-Étienne Saint-Denis, le jeune homme fut d’abord destiné au notariat.


Une jeunesse paisible et favorisée.

Son père, ancien piqueur (homme chargé de dresser les chevaux et de le exercer) des écuries de Versailles sous Louis XVI devint sous l’Ancien Régime professeur d’équitation, ce qui lui valu une certaine notoriété. Sa mère étant fille d’un officier des cuisines royales au château, le petit Louis-Étienne reçu une éducation (ce qui est déjà en soit un privilège) et qui plus est soignée (ce qui touche en cela à l’exceptionnel pour l’époque).

Costume des Mamelouks de la Garde Impériale
Costume des Mamelouks de la Garde Impériale provenant de la collection Raoul et Jean Brunon - © aucasekersco.blogspot.com

Bien éduqué, le jeune homme est envoyé comme clerc de notaire dans une étude de la place Vendôme, activité dont l’aspect le plus aventureux était probablement d’y survivre. Il y demeura quatre années avant que son père, par l’entremise d’Armand Augustin Louis Caulaincourt (1773 – 1827), diplomate et Grand Écuyer de Napoléon Ier, n’accorde à Louis-Étienne une place dans le service impérial. En 1812 voilà le jeune Saint-Denis promu au titre de porte-arquebuse. Mais c’est deux ans plus tard, en 1814, que sa vie bascule et lui offre une place au plus près de l’Empereur.

Louis-Étienne Saint-Denis devient le Mamelouk Ali.

Les Mamelouks sont, comme chacun le sait, les membres d’une milice formée d’esclaves affranchis au service de souverains. Lors de la campagne d’Égypte (1798 – 1801), Napoléon infligea une lourde défaite aux Mamelouks d’Égypte dont une partie rallia ses rangs. L’été 1799, après ses nombreuses victoires, Napoléon se voit offrir un magnifique cheval ainsi que son palefrenier, un jeune Mamelouk du nom de Raza Roustam (1783 – 1845). Ce dernier apporte une touche d’exotisme qu’apprécie Bonaparte et devient rapidement le protégé du général, son garde du corps et son fidèle serviteur. Fidélité qui prendra fin lors de la tentative de suicide de l’Empereur en avril 1814, au lendemain de la signature du traité de Fontainebleau (11 avril 1814) qui acte l’abdication de Napoléon et son exil sur l’île d’Elbe.

Inquiet qu’on puisse l’accuser d’assassinat si l’événement venait à se reproduire, le Mamelouk Roustam abandonne son bienfaiteur. C’est alors Louis-Étienne Saint-Denis qui prend sa place de 1er Mamelouk sous le nom d’Ali, surnom qu’il conservera jusqu’à la fin de sa vie, ce qui ne fut pas le cas de son costume oriental qu’il cessa de porter du moment où il mis les pieds à Sainte-Hélène. De ce jour, il ne quitta plus l’Empereur envers lequel il se montrait dévoué et infatigable. Lors de l’exil, il se lia d’une amitié sincère avec Louis-Joseph Marchand (1791 – 1876) avec qui il s’employa à adoucir autant que faire se peut la captivité de l’Empereur déchu. Le Mamelouk Ali devint le copiste et bibliothécaire de Longwood – le domaine de Napoléon sur l’île – dont il dressa le catalogue complet. C’est à sa connaissance des ouvrages de la bibliothèque, à sa débrouillardise, à son intelligence et à son invraisemblable mémoire olfactive que nous lui devons la formule de l’Eau de Cologne de Napoléon à Sainte-Hélène.

Vous aimez cet article ?

Tout comme Bonaparte, vous ne voulez pas être dérangé sans raison. Notre newsletter saura se faire discrète et vous permettra néanmoins de découvrir de nouvelles histoires et anecdotes, parfois peu connues du grand public.

La formule du souvenir.

Récoltant herbes, fleurs et écorces, étudiant assidument les ouvrages à sa disposition, le Mamelouk Ali parvint à formuler une recette hespéridée propre à offrir à Napoléon le seul réconfort olfactif auquel il n’avait plus accès depuis sa retraite forcée. L’utilisation considérable que l’Empereur faisait de l’eau de Cologne et l’empressement de ses fidèles serviteurs à lui en procurer – et ce par tous les moyens possibles, fussent-ils de la fabriquer eux-mêmes – prouvent bien l’importance de la fragrance dans la vie de Napoléon. Il fallu certainement nombre d’essais infructueux avant de parvenir à la recette tant recherchée. La précieuse formule participa sans doute du bien-être de l’Empereur. C’est ainsi que le Mamelouk Ali la conserva jalousement toute sa vie durant, si bien qu’elle ne fut retrouvée qu’à la fin du XXe siècle lors de la vente de ses effets personnels. À l’abri dans une malle, l’acquéreur passionné d’histoire napoléonienne découvrit la formule, unique souvenir olfactif de Napoléon. Un trésor aujourd’hui ressuscité.