Partout dans le monde, on admire dans toutes ses relectures le génie militaire du célèbre Corse : la bataille d’Austerlitz sacre Bonaparte vainqueur, un an jour pour jour après qu’il ait ceint la couronne des empereurs.


Le 2 décembre ne marque pas seulement l’anniversaire d’une des plus éclatantes victoires militaires françaises. Elle marque une époque de remaniement des cartes du pouvoir en Europe. Pour cette raison, la bataille d’Austerlitz est un évènement historique majeur déjouant toutes les prédictions.

Jamais deux sans trois : la Troisième Coalition

Constituée en juillet et août 1805, cette alliance regroupe l’Angleterre, la Russie, l’Autriche, Naples et la Suède. Elle suit logiquement la Première et la Deuxième Coalitions, toujours initiées par l’Angleterre et dirigées contre la France post-révolutionnaire. 

Le conflit franco-britannique entre 1803 et 1805 débute pour plusieurs raisons (blocus économique infligé à l’Angleterre par la France, politique protectionniste et annexionniste de l’Hexagone sur les territoires de ses plus proches voisins) et va mener à la création de la Troisième Coalition. Car lorsque Napoléon se couronne Empereur le 2 décembre 1804, qu’il annexe les cités-États italiennes de Parme et Plaisance et se sacre roi d’Italie le 17 mars 1805, les ambitions de la France apparaissent désormais très clairement aux yeux de ses voisins européens. 

À partir de 1803 et jusqu’en août 1805, la Grande Armée s’installe au camp de Boulogne et laisse planer la menace d’une invasion de l’Angleterre. Elle lève le camp lorsque la Troisième Coalition voit le jour et prévoit dans un premier temps la jonction des troupes autrichiennes et russes en Bavière. Napoléon Ier devance ce mouvement et achemine ses soldats sur le terrain où ils encerclent les troupes autrichiennes à Ulm, qui capitulent le 20 octobre 1805. Désormais, il faut pour Napoléon Ier affronter les Russes de Mikhaïl Koutouzov, Général en chef des armées impériales de Russie, et les armées de réserve autrichiennes.

Charles Thévenin - Reddition de la ville d'Ulm. Huile sur toile peinte entre 1806 et 1815, aujourd'hui conservée au Château de Versailles
Charles Thévenin - Reddition de la ville d'Ulm. Huile sur toile peinte entre 1806 et 1815, aujourd'hui conservée au Château de Versailles

Le Soleil d’Austerlitz

L’empereur français n’est pas dans une position confortable. Le lendemain de sa victoire à Ulm, ses troupes sont vaincues à Trafalgar. Au milieu du mois de novembre, la Grande Armée, alors tout juste entrée en Moravie, ne peut empêcher la jonction des troupes de Koutouzov avec celles d’Alexandre Ier de Russie et de François II du Saint-Empire romain germanique. Un grand affrontement se prépare, et il n’est pas en faveur des Français.

Avec le froid glacial des premiers jours de ce mois de décembre 1805, vient le premier anniversaire du sacre de l’empereur. Célébrations il y a, à la veille du combat, alors que la Grande Armée est en infériorité numérique et manœuvre en territoire ennemi. Tout joue contre elle. Alors, Napoléon prend le parti d’une stratégie alliant à la feinte une manœuvre exploitant la faiblesse des ennemis. Il va volontairement faire une faute grossière de sorte que les adversaires en commettent une plus grande encore. 

La bataille à lieu au sud-est de Brünn, dès le lever du jour. Les troupes ennemies se sont rassemblées sur le plateau de Pratzen, celles des Français sont en aval. Napoléon dégarnit alors son aile droite pour inciter les troupes adversaires à descendre du plateau. Ce qui ne manque pas d’arriver, malgré les avertissements de Koutouzov qui voit là, à raison, une manœuvre tactique.

On ne l’écoute pas et les troupes austro-russes dévalent le plateau, abandonnant leur système défensif dans l’idée d’encercler et d’acculer les troupes napoléoniennes affaiblies par ce mouvement ridicule de leur aile droite. Napoléon feint alors un repli, encourageant les deux empereurs à une attaque rapide. Il n’en faut pas plus pour amorcer le désastre. Napoléon Ier lance alors l’assaut du plateau. Ses troupes émergent d’un brouillard qui avait favorablement dissimulé les contingents aux regard ennemi. Elles emportent comme une déferlante les quelques ennemis qui y étaient restés. Alors qu’un soleil éclatant s’élève dans le ciel, les Russes s’évertuent durant plusieurs heures à reprendre le plateau, en vain. Forcés à la retraite, des troupes tentent de fuir en traversant des lacs glacés ; les Français canonnent si bien qu’ils périssent tous noyés. 

Les pertes adverses sont colossales : environ 35 000 hommes ont perdu la vie contre 8000 soldats français à terre, dont 1300 tués. Les pièces d’artillerie sont quasiment toutes saisies.

François Gérard, La bataille d'Austerlitz le 2 décembre 1815. Huile sur toile conservée qu Musée de Trianon.
François Gérard, La bataille d'Austerlitz le 2 décembre 1815. Huile sur toile conservée qu Musée de Trianon.

Le Saint-Empire romain germanique ne s’en remettra pas : le traité de Presbourg le 26 décembre 1805 lui porte un coup fatal et le voici remplacé par la Confédération du Rhin. François II du Saint-Empire devient François Ier d’Autriche. Louis Bonaparte devient roi de Hollande, son frère Joseph règne désormais sur le royaume de Naples.
La défaite est cinglante, humiliante. Un peu moins de 60 ans plus tard, le Second Empire ne manque pas de rappeler cet épisode et baptise une rue du nom de Rue du traité de Presbourg, en 1864, à deux pas des Champs-Élysées. 

Contrairement aux idées reçues, Napoléon Bonaparte n’était pas petit !
Tableau représentant l'entrevue de Napoléon Ier et de François II après la bataille d'Austerlitz (4 décembre 1805) par Antoine-Jean Gros (1771 - 1835)

Le 2 décembre 1805, un an jour pour jour après le sacre de l’empereur, cette victoire n’est pas seulement capitale pour l’issue du conflit opposant la France à la Troisième Coalition. Elle est symboliquement la consécration d’un empereur stratège au génie militaire alors unanimement admis. On vit dans le soleil d’Austerlitz une volonté divine de faire briller Napoléon Ier. Son destin la contredira. D’ici là, la bataille d’Austerlitz amorce une légende militaire qui fait encore couler beaucoup d’encre.

Soldats ! Je suis content de vous. Vous avez à la journée d’Austerlitz, justifié tout ce que j’attendais de votre intrépidité ; vous avez décoré vos aigles d’une immortelle gloire. […] Mon peuple vous reverra avec joie, et il vous suffira de dire « J’étais à la bataille d’Austerlitz », pour que l’on réponde, « Voilà un brave ».

Napoléon Ier, extrait de la proclamation après Austerlitz, 12 Frimaire an XIV (3 décembre 1805)

Marielle Brie de Lagerac

Marielle Brie de Lagerac est historienne de l’art pour le marché de l’art et l'auteure du blog « L'Art de l'Objet ».

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